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A l'ivoir de mes yeux, à mes songes, à l'oubli des heures du sud, au cadran d'un ailleurs parcouru et invisible
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29 avril 2006

Un peu d'été avant l'heure _ Deuxième Partie

On sort des pâtés de canard fait durant l’hiver et quelques bouteilles de vin rouge pour les accommoder. Chacun trouve très vite une tâche dans laquelle investir son action impérieuse. La chose est sérieuse. Les caisses de vaisselles, de nourriture et de boisson sont fin prêtes. Les chats passent leurs têtes curieuses par-dessus le rebord de la caisse qui accueille les terrines. Les hommes forts se chargent de placer les condiments dans la remorque avec les tables et les tréteaux. Les enfants crient pour prendre place. Le chien aboie et court dans tous les sens. Une femme fait remarquer que l’on oublie les nappes. On court les prendre dans une grande armoire. Toute la troupe descend en file indienne derrière les rugissements du tracteur et l’enthousiasme bruyant de ses jeunes passagers. La longue procession s’étire à travers champs. Au loin l’arbre hérisse ses grandes palmes de feuilles hospitalières. Son tronc est bien dégagé, et l’herbe tout autour coupé comme à la serpe. Sa solitude le rend encore plus imposant. On commence à installer les tables pour le repas. Tout le monde décharge la cargaison au fumé revigorant, d’autant que l’appétit talonne les ventres et semble insuffler une vélocité d’action à tous les protagonistes, même les plus paresseux. La troupe finit d’arriver petit à petit et se rassemble sous l’ombre rafraîchissante des branches chargées de feuilles vertes. Tout au bout, quelques jeunes ont allumé un mégot qu’ils crapotent en le faisant tourner. On s’aperçoit que la faim a fait oublier de prendre l’apéritif. Les hommes regrettent leur pastis mais font remarquer que l’heure est déjà bien avancée. Quelques uns s’insurgent en prétextant la qualité du dit pastis qu’ils ont ramené de Forcalquier, un petit village de Provence. Les femmes grondent les enfants, en faisant remarquer que tout cela ne serait pas arrivé s’ils n’avaient pas mangé tout le saucisson, ainsi que les petits biscuits salés. Il est vrai que la disparition précoce des amuses gueules avait contribué en grande partie à l’économie de l’apéritif. Quelqu’un se décide enfin à faire route inverse pour rapporter la bouteille de pastis. Un groupe de jeunes fait alors remarquer, avant que notre courageux serviteur ne s’en aille, qu’ils ont pensé à prendre le pastis oublié sur une table. Personne n’est dupe du mensonge, mais la vue du breuvage fait pardonner bien des choses. Alors que les hommes se désaltèrent avec délectation, que les jeunes demandent un verre qu’on leur refuse ou que l’on noie dans beaucoup d’eau, les femmes placent de grands saladier sur les tables. De petits groupes se forment. Les discussions vont bon train. Un vieux professeur d’université s’informe auprès d’une vieille voisine des coins à champignon pour l’automne. On parle de sport, de voiture, un peu de religion, de l’actualité. Tout d’un coup les voix se font plus fortes et les tirades plus longues ; signe que les conversations ont fini par aborder des perspectives politiques. Les langues rabelaisiennes, aidées par la boisson, se livrent à de vraies joutes verbales. Tout cela sans la moindre animosité. Si le ton monte les femmes font remarquer que l’on passe au plat suivant. La qualité de la terrine ou des tomates du jardin devient une affaire d’état. On oublie vite la politique. On la retrouvera, de toute manière, avec un bon cigare et un petit digestif, à la fin du repas. Les premiers plats font les frais de l’appétit cumulé de toute l’assemblée. Il fini toujours par en manquer. Mais les maîtresses de maisons connaissent leurs ventres affamés, il restera à la fin du repas, de quoi manger pour le soir. Les enfants ont très vite quitté la table pour aller consumer l’énergie qu’ils viennent juste d’avaler. Ils se lancent dans de grands jeux interminables dont les règles sont évolutives et demandent de grands conciliabules. Les adolescents ont également fuit la compagnie de leurs parents pour former, dans un coin caché du sous-bois, un petit groupe de réfractaire. Ils ont pensé à prendre un grand pichet de rosé et de quoi manger.

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